samedi 21 juin 2008

Auriez-vous l'heure ?

Le temps passe. Les passe-temps ne suffisent plus à combler ces longues bulles vides, qui enflent. Et puis éclatent sans qu'aucune autre saveur ne s'en échappe que les relents sureux d'une nostalgie patinée. Patinée par le temps. Le temps qui gratte aux portes de la vie, qui fomente la rébellion du corps sur l'esprit, le dessèchement des idées par l'oubli. Pas le temps, trop de temps. Temps de chien, tant de chiens. Rien ne vaut plus pour remplir ces scènes d'où la vie s'est écoulé. D'où les souvenirs éculés bruissent comme un rideau qui doucement se déchire avant de tomber en poussière après un dernier éclat flamboyant. Puis plus rien. une carcasse vide qui s'agite dans le vent. La poussière se soulève, la poussette laisse la place à l'enfant qui déjà n'est plus qu'un vieillard sans âge. Les particules frisent dans l'air trop lourd qui détruisent l'idée même de sérénité. La pérennité se réduit à un concept matériel vide de sens. Vide de temps. Le sablier s'est vidé. Vidé de ces poussières grelottantes. Le froid se saisit de l'âme des presque vivants qui ne sont pas encore morts. Le temps qui mord, le temps qui arrache les lambeaux de notre existence. Le temps qui file, le temps qui traîne la longue série des malheurs dans la terre, jusqu'à ce que plus rien ne subsiste que le voile funeste d'un passé idéalisé, contrefait, illusoire. Les souvenirs se parent de sépia et perdent toute teinte blessante. Ah que c'était bien avant, c'était le bon temps. Oh que le temps file vite, aujourd'hui les gens courent trop vite. Mais pourquoi courrent-ils ? Parce qu'ils ont peur de laisser le temps leur échapper. Ils ont peur de vivre. Prendre le temps de vivre c'est perdre le temps de faire plus. Alors ils courent, croyant échapper au monstre avaleur. Mais à la fin ce qui subsiste, ce ne sont pas tant les restes des nombreux souvenirs vécus en quatrième vitesse. Non, en aucun cas. Ce qui résiste à l'outrage du temps, ce sont ces moments volés à l'ogre affamé, qui ne peuvent être vécus qu'en s'y abandonnant. Fuir le temps c'est comme courir dans une nuée de pollen. Aussi vite qu'est la course, elle ne fera qu'accélérer le nuage coloré, qui fera un halo doré à la silhouette éperdue qui se débat en vain. Alors que celui qui laisse le temps au temps d'agir, cristallisera peut-être, parfois, le souvenir. Et l'écrin formé résistera au passage du temps, comme immunisé par son appartenance même au monde de ce béhémoth. Jeunes gens qui me lisez bien improbablement, pensez à prendre le temps d'apprécier l'instant. Courir n'amène à rien. Comme bien souvent, c'est lorsqu'on l'attend le moins que la beauté nous happe, c'est lorsqu'on reste ouvert et capable de laisser le temps s'arrêter qu'on peut vivre. Et stopper quelques secondes l'univers. Comme une bulle qui enfle puis éclate. Comme un coucher de soleil. Comme le rire d'un enfant. Comme le vent frais dans les cheveux. Comme le bruissement des feuilles. Comme la senteur de la terre après la pluie. Comme l'éclair qui zèbre le ciel nocturne. Comme le chant d'un oiseau. Comme l'éclat d'un sourire. Comme la douceur d'une caresse.

Et faites vôtre la philosophie d'Epicure. Profitez de tous les petits bonheurs qui croisent votre route.

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