jeudi 3 juillet 2008

Rive lointaine

Les petits pas ne font que tourner. Les grands pas ne mènent nulle part. Piétiner ou se perdre, telle semble être la fatalité réservée à l'Homme. Un grand saut vers l'avant. Mais le terrain est fragile. Une glissade vers l'arrière. Retour au point de départ. Un autre point de départ. Peut-être un peu plus haut que l'autre. Peut-être à côté.

Et recommencer. Avancer à tâtons, par prudence, puis par excès. Se prendre un pilier en aveugle. Avoir avant ça le temps d'hurler la joie d'être enfin libre. S'ensuit le cri de douleur de la désillusion.
Au changement suit le contre-sens, le statisme, le retour en arrière, le "y'en a marre de s'engluer !", le "faut qu'ça change !"

Un cycle dont on ne sait pas quelle sera la fin. Une spirale infernale qui nous entraîne vers un quelque part inconnu. Ou peut-être trop bien connu. Et redouté.

Comme beaucoup, l'envie me tenaille de sauter le pas. Je me dis, mais pourquoi devoir passer par ces étapes ridicules ? Les gens n'ont-ils pas un brin d'intelligence, ne peuvent-ils pas comprendre ce vers quoi nous devons avancer pour vivre dans un monde "plus juste", comme s'en vantent nos dirigeants ?

Une métaphore possible, celle des bancs de sable ?

Représentez-vous les phases d'évolution de nos civilisations comme un archipel d'îles. Nous sommes actuellement sur une île nommée "la France sous Nicolas Sarkozy", qui fait partie d'un chapelet d'îles qu'on pourrait basiquement appeler "la statique consommatrice, matérialiste, capitaliste, microéconomique". Au centre de ce groupe d'îlots se profile un léviathan, qui n'attend qu'une chose : que l'on pousse trop loin notre exploration vers lui, et que nous soyons entraînés dans son tourbillon destructeur. Représentez-le vous tel un béhémoth, entouré de sables traîtres, dans une mare asséchée.

Imaginez-vous à présent des chemins entre les îles. Ces chemins mouvants sont constamment affectés par les marées, fréquentes et brutales. Ce sont les bancs de sable. Permettant le passage d'un îlot à un autre, ils sont la seule voie offerte à l'humanité. A notre civilisation. Partout ailleurs, la mer en furie déchapine ses éléments contre les coquilles de noix qui tentent de tracer leur propre chemin. S'ils ont une volonté suffisante, ils y parviennent. Mais leur radeau de fortune ne pourrait jamais contenir l'humanité entière. Celle-ci est innombrable, peureuse, diverse, lente, lâche, indécise, fataliste. Elle préfère suivre le chemin le plus facile, se laisser porter par les sentier balisés.

Pour eux, certaines choses resteront des rives lointaines toute leur vie. Ils penseront que leurs descendants peut-être y parviendront. Fatalisme régressif.

Vous qui voulez traverser ces mers inconnues, n'attendez pas que l'humanité se réveille. Ou vous risquez d'attendre longtemps.

Aucun commentaire: