mardi 13 novembre 2012

Sur le goût de la langue

Les digressions fragmentées ont cela de bon qu'elles mènent parfois à des sujets insoupçonnés et pourtant agréables auxquels songer.
Ce fut le cas il y a peu.

Le plaisir de manger est quelque chose de central pour moi, facette culturelle qu'on ne retrouve pas toujours hors de la France, où parfois l'on se nourrit plus qu'on ne mange.


Mais revenons à ce qui va suivre. Il va être question des cinq sens et de la part qu'ils prennent dans les plaisirs culinaires.
On les réduit bien souvent au seul sens du goût. Bien souvent et au détriment de tout ce qu'on peut capter si l'on y prête attention.

Pour être très précis, si je devais classer les cinq sens par ordre d'importance dès qu'il s'agit d'apprécier (dans tous les sens du terme) un repas ou un simple met, le goût se retrouverait à l'avant-dernière place.
Ce qui suit est un classement purement personnel (chacun possède sa sensibilité et les sens développés différemment) mais peut qui sait casser des idées toutes faites.


A qui reviendrait la 5ème place ?
C'est pour moi l'ouïe qui s'y trouve.
Pas tout à fait absente de l'art de la table, le son y tient quand même une place minime au regard des autres sens. Certains produits en ont tout de même fait leur particularité (crackers à grignoter, céréales, chocolat qui fait crunch...)

Le goût quant à lui se place en 4ème position.
Loin de capter tout ce qu'il y a à apprécier lorsqu'on mange, le goût se contente de faire sentir l'amertume, l'acidité... Tentez l'expérience de vous boucher le nez et vous comprendrez à quoi se réduit le goût. Le reste est en effet entièrement du fait de l'odorat, l'odeur remontant par les parois nasales.

En 3ème position se retrouve le toucher.
Si si, vous avez bien lu. Et je ne parle pas là du seul toucher avec les doigts et mains lors de la manipulation de la nourriture, mais également le toucher lié à la langue, à la bouche, à la gorge... Une peau de poulet bien grillée qui craque sous la dent donne une toute autre saveur.
Le croustillant n'est pas seul, une jelly bien anglaise, une huître ou la gélatine d'un pâté en croûte peuvent tout aussi bien être des éléments appréciés ou au contraire qui vont ruiner le plaisir de manger plus sûrement que quoi que ce soit d'autre. De même il est très dur d'apprécier une quelconque nourriture lorsqu'on a la gorge irritée, et manger peut devenir une corvée.
Dans une autre veine, certains aliments vont envoyer d'autres stimuli liés au toucher. Certaines personnes rencontrent des difficultés à manger des haricots verts peu cuits car ceux-ci vont produire un "grincement" aussi désagréable qu'un ongle qui crisse sur un tableau noir.

En 2ème position vient la vue.
Une vision révulsante aura pour effet de mettre l'estomac en boule (celui-ci étant particulièrement affecté par l'humeur de son propriétaire). Au contraire, la seule vision d'une image représentant un met apprécié fera saliver. Le plaisir des yeux a une importance certaine lorsqu'on mange, paradoxalement tout à la fois hautement estimé et pourtant facilement oublié. Que ce soit les formes, les couleurs ou l'agencement de différents éléments d'un plat, tout participe à la mise en état du corps et de l'esprit pour ce qui va suivre.

Et en 1ère position se trouve naturellement l'odorat.
Et là je suis unanime - oui : je ! - pour affirmer qu'il n'y a pas lieu d'intervertir cette position-ci.
Comme dit plus haut, une grande partie de ce que les gens appellent "le goût" provient en réalité de l'odorat par voie interne. Je pourrais m'étaler sur ce sens - y étant particulièrement sensible - mais je me contenterai de dire tout ce qu'il y a à savoir dessus lorsqu'on mange : c'est la première chose qui nous assaillit avant même de commencer à y goûter, et c'est la dernière qui nous quitte bien après qu'on ait quitté la table.

Pas toujours dans le bon côté, certes. Qui n'a jamais traîné une haleine d'ail pendant une journée entière...



Voilà c'est tout pour aujourd'hui - et c'est déjà pas mal comme dit le sage à son âne.
N'hésitez pas à donner votre avis sur la question, quels sens prennent pour vous le dessus. Je risque d'être intraitable pour l'odorat - je vous aurais prévenu - mais toute discussion est la bienvenue.